Tristesses, d’Anne-Cécile Vandalem au Théâtre de L’Odéon

tristessesDans le OFF d’Avignon, c’est au Théâtre des Doms que l’on découvre le travail de compagnies belges qui s’attaquent toujours à des sujets sociétaux, en cultivant un style et une originalité inédite. Après un passage au Festival d’Avignon en 2016, Anne-Cécile Vandalem et la Kompanie Das Fräulein, présentent Tristesses, à L’Odéon Théâtre de L’Europe.


Une création qui introduit un genre nouveau : le polar nordique. Le spectateur est plongé dans un univers total, rappelant celui des séries. La peur, le suspense et les surprises sont au rendez-vous pendant 2h10. Des sensations cinématographiques familières, qui sont renforcées par l’usage continu, de la vidéo qui diffuse l’intérieur des maisons, permettant d’aller au-delà des limites du Théâtre et de la parole. Face à l’invisible, que nous révèle la caméra, l’inquiétude, l’excitation et la tension augmentent. Ce dispositif qui offre parfois au spectateur un temps d’avance, permet de distinguer les entrailles de l’intimité, de la vie publique. L’histoire, la matière, s’agrandissent géographiquement et psychologiquement. Nous rencontrons des personnages plus complets et complexes.


Des personnages qui échouent et qui ne supportent plus ce quotidien et ceux qui en font partie. Des perdants qui se raccrochent à ce qu’ils leur restent : le néant et la manipulation. En toile de fond règnent l’impuissance et la montée actuelle des mouvements populistes, responsables de l’attristement des peuples. Celui qui est manipulé par le Parti du Réveil Populaire répondra de ses actes, par cette phrase : « Parce qu’ils me l’ont demandé » – Vincent Lécuyer. tristesses

Malgré ce constat pessimiste, chez Anne-Cécile Vandalem, l’humour noir n’est jamais trop éloigné du drame. Il apparaît comme une soupape nécessaire face à cette absence de conviction et de solidarité. La metteuse en scène imagine des personnages très singuliers, aux personnalités sinueuses. Tous, magnifiquement interprétés par les onze comédiens de la Kompanie Das Fräulein.


Martha Heiger, dirigeante du Parti du Réveil Populaire, une femme élégante et déterminée, dont le retour pour la mort de sa mère, marquera le début des hostilités. Son père, un être insensible. Le curé, faible victime de son beau-frère et traître naïf. Sa femme, la seule à vouloir encore lutter pour ses croyances et son patrimoine. Le père, le chef du village, péquenot machiste et ridicule. Sa femme, fragile et soumise aux excès d’humeur de son mari. Leurs deux adolescentes, vêtues de noir. Un duo inquiétant et étrange qui fonctionne à merveille. L’une est muette et l’autre semble avoir une destinée à accomplir. Autour d’eux, errent les fantômes des anciens habitants de l’île, ceux qui ne parviennent pas à trouver le repos.


Toute cette terrifiante petite famille évolue dans un décor réaliste, sur la place de leur village et à l’intérieur de leurs maisons. Anne-Cécile Vandalem créait un monde et une ambiance à part entière. Elle brouille les frontières entre le réel et la fiction, nous donnant parfois la sensation de regarder un film, tout en conservant le présent et l’instantanéités du Théâtre.

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