La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams par Charlotte Rondelez au Théâtre de Poche-Montparnasse

Pour notre plus grand plaisir, la saison théâtrale 2018-2019 débute avec des retrouvailles convaincantes. Déjà au Théâtre de Poche-Montparnasse en 2014 avec Etat de siège, de Camus, la metteuse en scène Charlotte Rondelez, nous prouvait qu’avec peu de moyens, mais du talent et de l’inventivité, des mondes naissaient. Avec sa mise en scène de La Ménagerie de verre, de Tennessee Williams, elle continue d’explorer, avec succès, l’imaginaire qui s’écroule face au poids de la réalité et du devoir.


La Ménagerie de verre

Dans ce huis-clos étouffant des années 1930, à Saint-Louis, Amanda, abandonnée par son mari, tente d’assurer l’avenir de son fils Tom, avec lequel le dialogue est rompu et celui de sa fille Laura, claudiquant, qui trouve refuge dans un monde imaginaire. Tous ces personnages vivent dans une réalité fantasmée. Le désir de fuite esquisse le présent qui ne semble jamais être apprécié pour sa vraie valeur. La mère tourne en boucle sur son passé bouillonnant d’espérance et de réussite. Une époque, une jeunesse, où elle était courtisée par des riches fils de planteurs. Au confort, elle choisira l’amour et épousera un employé du téléphone qui la quittera soudainement. Apeurée par le constat quotidien de sa chute sociale, enclin à une solitude profonde, elle se concentre sur l’avenir de ses deux enfants. Sur la réussite sentimentale de sa fille infirme et timide maladive, qui n’a d’autre intérêt que sa collection de petits animaux en verre. Angoissée par le monde extérieur, elle se plonge dans une bulle aux reflets multiples, dans lequel dansent sur la musique ses licornes en verre. Silencieusement, elle rêve sa vie. Auprès d’elle, son frère Tom, désormais le seul homme de la famille, qui doit assumer toutes les responsabilités, surtout financières. Forcé de travailler dans un entrepôt de chaussures, il rêve de poésie et d’aventures. Las et oppressé par le cocon familial, il le fuit tous les soirs, prétextant de se rendre au cinéma.

crédit: Hans Lucas
crédit: Hans Lucas

Un jour un nouveau drame se produit : Laura est rejetée et humiliée par le premier galant invité chez eux par Tom sur les conseils pressant de la mère. Nul espoir à l’horizon, tous sont condamnés à supporter le poids de la fatalité. Tom décidera à son tour d’abandonner ce trio destructeur. Marchant sur les traces de son père, il perpétue l’héritage familial. Il est le seul à prendre sa vie en main, refusant de se cloitrer dans la mémoire et l’illusion de ses espérances. Une volonté de liberté et d’indépendance retranscrites fougueusement par Charles Templon, cet oiseau en cage dont le désir du risque prend le pas sur l’obéissance maternelle et la responsabilité patriarcale. Une mère aimante et impuissante. Une femme encore empreinte de ses passions passées. Une femme de caractère interprétée brillamment par Cristiana Reali, cette sublime comédienne qui se lance toujours à corps perdu dans des rôles de femmes. En reine ou en mère de famille, elle défend toujours ses personnages avec sensibilité et aplomb. Une autre femme, Ophelia Kolb, que nous avions découvert dans la Série « 10% » et que nous retrouvons ici dans le rôle de Laura. Une jeune femme qu’elle incarne avec vulnérabilité, écorchures et singularités. Un travail tout en finesse et en sensations qui, à sa manière, la rend étincelante. Félix Beaupérin, sera son galant, un jeune homme fringuant et franc qui tentera avec douceur et compassion de la faire sortir de sa zone de confort, mais en vain…

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