Idiot! Parce que nous aurions dû nous aimer, par Vincent Macaigne

idiotNous pouvons ne pas adhérer au style démesuré du metteur en scène Vincent Macaigne, mais à aucun moment nous ne pourrions lui reprocher son engagement pour le théâtre. Un théâtre d’action qui empêche le spectateur de s’installer dans de l’aisance et de l’émotion, le but étant d’être toujours actif, éveillé, semblable à un acteur sur le qui-vive.

Avec Idiot! parce que nous aurions dû nous aimer, qui s’inspire de l’œuvre de Dostoïevski, il nous présente un théâtre de la vie, un miroir de l’humanité désireux de croire au changement et dans une perpétuelle volonté de réagir et de sauver. Comme dans son adaptation d’Hamlet, dans ce royaume, ici Russe, il y a quelque chose de pourri et de gâché. Tous les êtres sont salis et avilis sauf l’Idiot, ce Prince naïf qui est pourtant le seul cœur pur.

Cette urgence et ce besoin de survie apparaissent dans l’esthétique, demesurée du début à la fin. Tout est orchestré depuis notre arrivée au Théâtre des Amandiers, jusqu’à notre sortie. Les comédiens hurlent dans leur mégaphone au milieu de la foule qui attend, les entrainant avec eux dans les décombres de la salle de spectacle. Une salle transformée en boite de nuit branchée, les lumières sont remplacées par des spots et des flashes, la musique pouvant être diminuée grâce aux boules Quies distribuées à l’entrée du Théâtre. Un show permanent et atypique, qui, même si il fatigue, créait le spectacle, mais surtout le partage, redonnant au théâtre son essentiel: être ensemble.

Malgré cette folle aventure, la forme reste abusive, tout est dans l’excès à tel point qu’on se questionne sur la nécessité d’un tel gâchis matériel à chaque représentation. La scène est recouverte d’un amas de matières superflues : mousse de bain, peinture, paillettes, terre, eau, sang, objets cassés… Néanmoins même si au premier abord cela peut déranger et sembler provocant et inutile, il s’agit bien de dénoncer le superficiel dans lequel nous vivons, le poids des apparences. À s’encombrer de vide on en oublie l’autre et l’amour sincère.

Même avec l’aide de tous ces masques, les personnages ne parviennent pas à tendre vers un monde meilleur. Ils tentent de quitter la laideur et la désespérance, essayent de restituer une parole unificatrice et veulent briser les convenances et les héritages pour mieux se sauver. Tous les comédiens sont excellents; chacun dans leur registre, se font entendre et portent leurs couleurs. Parfois nous atteignons des instants de grâce, des moments suspendus qui malheureusement retombent aussitôt et se brisent car le metteur en scène ne semble pas vouloir nous laisser aller dans une zone de confort. Le texte peine alors à se faire entendre, car il est de temps en temps, étouffé par ce capharnaüm, qui surprend malgré tout avec ses pointes d’humour bien placées.

Quoiqu’il en soit, une fois de plus, Vincent Macaigne marque les esprits, il réinvente le théâtre dans une volonté de changer le monde, de réveiller les consciences, en repoussant toutes les limites.

Théâtre des Amandiers

Idiot!parce que nous aurions dû nous aimer, d’après
L’Idiot de Dostoïevski adaptation de Vincent Macaigne

Avec Dan Artus, Servane Ducorps, Thibault Lacroix, Pauline Lorillard, Vincent Macaigne, Emmanuel Matte, Rodolphe Poulain, Thomas Rathier , Pascal Reneric

Jusqu’au 14 novembre 2014

Retrouvez cet article sur l’Huffington Post

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *