Pueblo, d’Ascanio Celestini au Théâtre du Rond-Point

Le chamboulement jaillit toujours de la rencontre entre le comédien David Murgia et les mots de l’auteur italien Ascanio Celestini. Une fois de plus ce tandem se retrouve sur une scène de théâtre, ici Le Théâtre du Rond-Point, l’un en chair et en os interprétant Pueblo, le texte de l’autre.

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Une fois de plus, il est question  de classe sociale, de la classe dominée, de ceux qu’on nomme les invisibles, les précaires et que chacun croise pourtant chaque jour.
Ceux qui ne tirent aucun plaisir, aucun goût à leur existence mais qui tentent de survivre comme ils peuvent en traînant derrière eux leurs blessures et leurs disparus. Des petites gens qui sont toujours en bas de l’échelle et auxquels l’auteur offre une dimension politique.
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Un homme se tient devant nous et nous raconte le quotidien imaginé et fantasmé de ceux qui nous entourent. Il nous parle de Léonore ou peut être s’appelle-t’elle autrement… Léonore  habite dans l’immeuble d’en face et mange de la soupe lyophilisée devant la télévision. Léonore travaille comme caissière et croise fréquemment Dominique la clocharde qui habite sur le parking du supermarché. Dominique n’a pas toujours été clocharde. Elle a eu une enfance rocambolesque, a grandi avec un père cleptomane et a passé quelques mois chez des bonnes sœurs qui cachaient une vache dans leur cave . Aujourd’hui elle est amoureuse de Saïd et elle récolte des déchets qu’elle amène chaque jour à un ami gitan. Saïd est un manutentionnaire africain sans papier. Chaque samedi, il dépense son argent sur la machine à sous Joséphine Baker et boit les bières que la patronne du bar lui offre. Saïd se ruine alors qu’il pourrait économiser et acheter une bicyclette et un manteau chaud à Dominique.

L’homme se tient devant nous et nous raconte avec fougue, avec amour et compassion les récits de ces êtres. Il raconte sans s’arrêter. Il raconte pour se raccrocher à la vie, pour que personne ne tombe dans l’oubli. Cet homme c’est David Murgia dont la logorrhée ininterrompue surprend d’abord pour bouleverser ensuite. Infaillible, fidèle au poste, il offre toute son énergie pour mettre en lumière ces existences transparentes.

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Sur un plateau presque nu, accompagné de Philippe Orivel un musicien qui complète ces tableaux enivrants, David Murgia entrouvre des portes et ouvre des mondes dans l’esprit des spectateurs. La simplicité et la sobriété de la mise en scène d’Ascanio Celestini valorise toute la beauté de ce texte d’un cynisme suffoquant et d’une humanité subjuguante. Le grotesque est aussi comique qu’effrayant. La plume de l’auteur est parfaitement maîtrisée et sait ouvrir des brèches acérées pour, ensuite, les colmater de beauté.

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