Les Doyens, de Christophe Honoré au Théâtre de la Ville – Les Abbesses

Récemment récompensé pour son texte dramatique jeunesse Dear Prudence, publié aux Solitaires Intempestifs, Christophe Honoré présente Les Doyens, un spectacle jeune public à découvrir de toute urgence au Théâtre de la Ville – Les Abbesses. Un petit bijou d’intelligence et d’humour qui ravira petits et grands.

@Jean-Louis Fernandez

Périlleux de définir un lieu et une époque précises, même s’il semble pourtant s’agir de la nôtre. Un bureau aux airs de vieille université poussiéreuse, constitué d’un tableau, de gradins et d’un squelette anatomique. Une pièce hors du temps, qui renferme bien des surprises. Ils sont deux hommes, presque sans âge, le Professeur Théobald Badaire et le Docteur Fulbert Béranger. Deux acolytes et collègues érudits, coiffés de longues perruques du XVIIe.

Pétris de certitudes, ils se lancent dans l’enseignement de tout un savoir qui leur semble indispensable à la maturité et à la bonne éducation de chacun et surtout des enfants. Grands philosophes, textes célèbres, tournures de phrases et vocabulaires complexes agrémentent leurs discours mutuels. Rivaux et complices, ils se défient et se complètent, sous l’œil lassé et frustré de Sylvain Debry, un jeune homme recueilli qui leur sert tantôt de valet, parfois de pupille, rarement de fils adoptif.

Suffisants, rabaissants, piquants et extrêmement hilarants à leur issue, ils transmettent leurs connaissances sur la création de l’Humanité, l’amour et les danses de salon en mélangeant références historiques et clins d’œil contemporains. Ici se situe tout le génie de Christophe Honoré qui parvient habilement à toucher les adultes autant que les enfants. De Jean-Jacques Rousseau à Aya Nakamura il n’y a qu’un pas. L’intelligence du texte et de la mise en scène permettent alors au jeune public de s’identifier et de retrouver ses repères dans une fiction et une forme artistique qui ne lui sont pas toujours familières.

@Jean-Louis Fernandez

Afin de sublimer le texte et d’en faire ressortir toute l’ironie et l’emphase, le metteur en scène peut compter sur la famille d’acteurs fidèles dont il s’entoure autour sur la scène que derrière la caméra, depuis des années. Après Le Ciel de Nantes, au Théâtre de L’Odéon, Julien Honoré et Jean-Charles Clichet débarquent et transcendent les planches du Théâtre de la Ville – Les Abbesses. Comiques décalés au ton péremptoire et au cynisme grinçant, ils enchainent avec malice des situations de plus en plus cocasses et ridicules. Inconscients du paradoxe entre leurs statuts et leurs bourdes, l’ironie n’en est que plus belle.

Moteurs intenses de la dynamique du spectacle, ils interagissent à plusieurs reprises avec les enfants du public pour donner à cette conférence, qui leur est adressée, davantage d’authenticité. Les enfants sont volontaires, réceptifs et concernés, parfois choqués par les blagues graveleuses ou les propos militants, qui permettent également de les sensibiliser à des sujets de fonds.

Les Doyens, de Christophe Honoré remporte haut la main le parti de la transmission et de la pédagogie. Un spectacle riche qui introduit astucieusement la force et la magie du Théâtre comme art de tous les possibles.

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