Cabaret de l’exil, Femmes persanes, de Bartabas au Théâtre Zingaro

C’est au Théâtre Zingaro, un lieu hors du temps au fort d’Aubervilliers, son fief depuis 1989, que Bartabas, inventeur du théâtre équestre, présente son troisième volet du Cabaret de l’exil. Après les nomades d’origine irlandaises en exil dans leur propre pays, il se penche sur les femmes persanes. En lien avec l’actualité mais tout en finesse il créait une parenthèse enchantée et enchanteresse qui marque les cœurs et les esprits.

Je suis moi
Je suis femme
Je suis monde

Se rendre à un spectacle de Bartabas se rapproche de la découverte d’une nouvelle création d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Au-delà du moment de la représentation, le spectateur vit une expérience totale qui ne se limite pas qu’à la scène. Il s’agit tout d’abord de patienter dans une grande cabane en bois, sorte de yourte ou d’isba russe remplie d’objets de toutes sortes. Un alter de Monsieur Loyal convoque les spectateurs qui circulent le long des box équestres avant de franchir le rideau du théâtre circulaire. Une forte odeur d’encens flotte dans les airs, la salle est éclairée à la bougie et les spectateurs sont invités à rejoindre leurs chaises et leurs tables. Confortablement installés, dans la pénombre des ancêtres, ils pourront déguster un thé au miel et à la cannelle accompagné de quelques boudoirs. Difficile de savoir à présent dans quel lieu, à quelle époque se situer tant l’immersion est totale, presque magique. L’atmosphère intimiste et chaleureuse invite à la confidence et au voyage. Il ne reste plus qu’à se laisser porter par ce spectacle engagé et superbement orchestré.

Cabaret de l’exil, Femmes persanes, rend hommage aux artistes iraniennes et afghanes en exil. Bartabas convoque les mémoires ancestrales et notamment les Scythes, des cavaliers nomades. Un des peuples iraniens qui a occupé l’embouchure du Danube jusqu’au fleuve Oural, dans l’Antiquité classique. Une population itinérante avec un mode de vie plus égalitaire et des oppositions bien moins marquées entre les sexes qui favorisaient également des rapports amoureux moins contraints que chez les Grecs. L’importance du cheval dans la vie des steppes est cruciale car il est un facteur d’égalité, hommes et femmes partageant depuis leur enfance les mêmes savoir-faire propres à la chasse et à la guerre. Les femmes s’écartent alors de la religion et connectées aux beautés du monde, elles clament les joies de la passion amoureuse.

Une fois, une seule, prends ma poitrine contre la tienne,

Et mon cœur amoureux te dira son histoire. 

Femmes guerrières et révoltées, puissantes artistes combattives et engagées, elles se succèdent à cheval ou à dos d’âne, sur la piste de danse ou derrière leurs instruments de musique. Les scènes s’enchainent au rythme des cavalières, danseuses, fildefériste et d’un épatant numéro de capillotraction. La force féminine et la sororité irradient la piste. Les femmes s’accompagnent, se soutiennent et se répondent. Libres et résilientes elles laissent parler leurs cœurs et sortent des carcans contemporains imposés. Avec finesse et intelligence Bartabas n’en oublie pas pour autant les oppressions modernes et le régime répressif.

 …Mon visage découvert ne me dénude pas

Pourquoi porterais-je sur MA tête le poids de TES faiblesses ?
… Au lieu de voiler mon visage
,

Jette un voile sur tes pulsions coupables ! 

© Hugo Marty

N’oublions pas les animaux qui accompagnent les artistes, qui les portent, les soutiennent et transcendent la scène de leur grâce. Des chevaux conquérants et des ânes complices, des oies rieuses et des cygnes majestueux ; fidèles compagnons des femmes qui offrent à ce Cabaret de l’exil, Femmes persanes de la beauté et de l’indépendance.

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