Le rapport entre l’homme et la femme est mis à rude épreuve. Martha rabaisse Georges et l’insulte pour un rien. Lui reste passif. Mais cette crise ne peut se limiter à leur intimité. Il leur faut un public et davantage de risques. Ils veulent se livrer une bataille sans limites, en se servant de deux pions: Nick et Honey, un jeune couple qu’ils invitent chez eux pour un dernier verre. Nick travaille aussi à l’université, dans le département de Biologie. Il sera la carte de Martha qui le séduira ouvertement devant Honey, sa femme, une hystérique, alcoolique et fébrile. Une instabilité mentale dont se servira Georges pour regagner du terrain face à Martha. Les confidences des uns deviennent les armes des autres.
Ainsi réunis, et à l’insu de leurs invités, tout semble permis ! Le vainqueur sera celui qui poussera le vice le plus loin, ce que Martha entreprend en
couchant avec Nick sans vergogne. Une crasse de trop qui poussera Georges à révéler au second couple toute la vérité sur leur fils dont Martha a évoqué l’existence: fils imaginaire; un autre de leurs petits jeux pervers qu’ils s’interdisaient de rendre public. Fin d’une fiction qui la ramène dans la réalité et la confronte à la vérité de son quotidien monotone. Echec et mat pour celle qui pensait mener le jeu et terrasser tous ses adversaires. Pour la première fois, elle doit accepter de perdre: elle a blessé Georges en le trompant ; il se venge. Dans leur perversion, ces deux-là semblent s’aimer. Ils ne parviennent pas à construire mais seulement à s’affronter.
Pour installer et décliner ce rapport de forces, Alain Françon, plutôt coutumier de radicalités à la Edward Bond, a choisi des comédiens au jeu bien trempé. Dominique Valladié, crache le venin de Martha avec assurance et tempérament. Toute notre attention est centrée surcette bête curieuse que rien ni personne ne semble atteindre. À ses côtés, Wladimir Yordanoff est un Georges calme et inquisiteur. Julia Faure -qui incarne Honey avec beaucoup d’humour et de piquant et donne de la légèreté à cette mascarade inquiétante et dévastatrice- forme avec Pierre-François Garel (Nick) un couple bienséant qui se dévoilera au fur et à mesure de ce jeu de massacre.
« Qui a peur de Virginia Woolf ? » d’Edward Albee, mis en scène par Alain Françon
Paris –
Théâtre de l’Œuvre – Jusqu’au 3 avril 2016