40° sous zéro, par La Compagnie Munstrum au Festival Mythos à Rennes

À Brunei, le Sultan Hassanal Bolkiah, instaure la peine de mort par lapidation à tous les homosexuels. À 16 207km de cette île, à Rennes, au Festival Mythos, la Compagnie Munstrum, clame la liberté et la révolution avec 40° sous zéro, deux textes de Copi : L’homosexuel ou la difficulté de s’exprimer et Les Quatre jumelles. Séduits par leur univers esthétique et leur adaptation monstrueuse et absurde du Chien, la nuit et le couteau, de Marius Von Mayenburg, au Festival Off d’Avignon en 2017, nous attendions impatiemment leur retour.

Loin des 35° de la Cité des Papes, emmitouflés dans des couvertures, assis dans la pénombre d’une église rennaise reconvertit en salle de représentations, la première image du spectacle nous réchauffe. François Praud, en hauteur, emmailloté dans un édredon multicolore et couronné d’une énorme coiffe de boules dorés, entonne sa version décalée de « Girls just want to have fun », de Cindy Lauper. La première partie commence et un décor froid et grisâtre, dans un style industriel et primaire, se découvre. Bienvenus en Sibérie, dans la maison de Madre et d’Irina ! Deux femmes, nées hommes, qui, à la suite de leur opération, se sont fait déporter ensemble dans ce trou étrange. Madre tente de résonner Irina qui ne pense qu’à se faire sauter par des cosaques au lieu de suivre ses leçons de piano « C’est la seule chose qui t’intéresse au monde ? De te faire baiser par un coiffeur à voilette dans les toilettes de la gare entre midi et cinq heures ? ». Le duo se transformera rapidement en trio infernal avec l’arrivée remarquée de Garbo, la professeur de piano au sexe d’homme. Une bourgeoise stylisée, aux airs de corbeau, follement amoureuse d’Irina et qui veut l’emmener en Chine, loin de toute cette dépendance affective et l’emprise de Madre. Chacun tentera d’acquérir l’amour de l’être aimé. Ces personnages bannis et en marge, essayent de se sauver de leur isolement mais s’enferment dans leurs névroses. 


@Maeliss Le Bricon
@Maeliss Le Bricon

La Compagnie Munstrum s’empare avec fracas de tous les éléments qu’offrent le Théâtre et rend un hommage sans bévue au Copi burlesque, provocateur, joueur et outrancier. Loufoque, comique de situation et vulgarité inoffensive règnent sur la scène. Les thèmes les plus graves sont traités avec rocambolesque et obscénité. Irina, nymphomane hystérique, vulnérable enfantine, met le feu aux poudres en étant l’enjeu de tous les désirs. Les corps travestis, abîmés, animaux, sculpturaux, se confrontent et s’étreignent. Les effets se multiplient, le sang grenadine gicle à flots.
La confusion des genres, propre au texte, s’inscrit à merveille dans le travail du masque de la Compagnie Munstrum. Des masques en latex, comme une seconde peau, qui habillent des visages asexués, louches et préoccupants. Les trois comédiens déambulent, ivres d’énergie et de trempe. Leur présence éclatante et leur audace les rendent uniques.

Comment faire pour vivre ensemble ?

La seconde partie Les Quatre jumelles, est décevante et lassante. Deux couples de jumelles, perdues en Alaska, s’affrontent sans relâche pour récupérer des lingots d’or et de la drogue. Increvables, immortelles, nous sommes confrontés à un jour sans fin ou le comique de répétition et la démesure, usent. L’excessivité en boucle laisse place à un premier degré sans ressource. L’attrait pour ce second volet réside dans les superbes costumes japonisant et acidulés de Christian Lacroix, assisté de Jean-Philippe Pons et Karelle Durand. Ces tenues piquantes et exotiques créaient le décalage propre à la folie excentrique de Copi.

@Philippe Rémond
@Philippe Rémond

Désillusionnés par ces Quatre jumelles, la Compagnie Munstrum parvient à nous ré enchanter pendant les dernières minutes du spectacle. Une fin unie et chorégraphiée qui nous émeut par la beauté des corps militants et de l’harmonie. Une marche révolutionnaire qui donne envie de croire, qu’ensemble, tout est réalisable.

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