La 28ème nuit blanche des Molières

Le 23 mai 2016, la foule se presse devant l’entrée des Folies Bergères. La 28ème soirée des Molières est sur le point d’être lancée. Un même Molière qui aurait pu, le temps d’une nuit, quitter le Père Lachaise pour s’indigner de cette longue mascarade.

Cette année, nous avons le droit à un nouveau Maître de Cérémonie ; au moins, cette fois, il s’agit d’un comédien, l’humoriste Alex Lutz. Un énergumène qui débarque sur scène, une chaussure en moins, la tête trempée, recouverte d’une serviette de bain, qui annonce la couleur. Les sketchs minables et interminables s’enchaînent. Les blagues sont grossières et « has been ». Nathalie Dessay et Alex Lutz chantent sur des sonneries d’IPhone. Marie Gillain mange des peaux mortes. Deux comédiennes inconnues jouent du classique en y incorporant des jingles de publicité. Les tweets défilent et ne font rire personne « Vener=Abrège#Enculé ». D’après le Maître de Cérémonie, « Tout doit faire Théâtre » ! C’est d’ailleurs dans une volonté de mettre le Théâtre à l’honneur, car là est bien la destinée des Molières, non ?!, que Stéphane Plaza et Jean-Paul Gauthier sont invités pour remettre des trophées. Joël Pommer « Et » aurait dû être présent pour récupérer le sien !

Nous touchons le fond, ou presque. Le clou du spectacle reste l’annonce brève, mais dithyrambique, d’Alex Lutz, au début de la cérémonie, sur « l’unité du temps, court, du remerciement » : il ne faut pas que le temps de remerciement des lauréats dépasse une minute. S’ ils osent s’épancher dans un discours trop long, Touchi-Toucha, un grand black sur un gyropode, viendra à leur rencontre pour les titiller du doigt afin qu’ils abrègent. David Bobbee, entouré de plusieurs manifestants, se tenait à l’entrée des Folies Bergères au nom de « Décoloniser les arts », un mouvement qui accuse les « Molières monochromes » de faire preuve d’un racisme d’omission. Ne soyez plus en colère, grâce à Touchi-Toucha, les Molières ne sont plus si blancs ! Par contre, de par ses obligations de gentil perturbateur, nous sommes privés du seul intérêt de cette soirée : la parole des artistes dramatiques. Personne n’a le temps de partager sa vision du Théâtre. Chacun remercie les uns et les autres à bout de souffle. Wladimir Yordanoff a tout de même le temps de lancer « On représente la vie. Le théâtre, c’est le cadeau de l’instant. Allez au Théâtre ! Vive le Théâtre ! ». Des petites parcelles de pensées artistiques auxquelles on se raccroche. D’autres passages sortent du lot et fonctionnent parfaitement : Michel Fau et Maxime d’Aboville qui parodient « L’Ecoles des femmes » ou encore Christian Hecq qui nous présente un extrait poétique de son « 20000 lieues sous les mers ».

Côté récompenses, car c’est ici que se situe tout l’enjeu, nous ne sommes pas déçus. Les Molières sont décernés à des comédiens, metteurs en scène et auteurs intenses, qui cette année, nous ont bouleversés, chacun dans leur univers : Charles Berling, Alexis Moncorgé, Joël Pommerat, Wladimir Yordanoff, Dominique Blanc, Catherine Frot, Andréa Bescond… qui donnent au Théâtre tout son sens ; un Art qui, d’après Molière, « n’est fait que pour être vu ».

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Molière du Théâtre public

-Ça ira (1) fin de Louis, de et mise en scène de Joël Pommerat, Théâtre Nanterre-Amandiers

Molière du Théâtre privé

-Les Cavaliers d’après Joseph Kessel, mise en scène Eric Bouvron et Anne Bourgeois, Théâtre La Bruyère

Molière de la Comédie

-Les Faux British, de Henry Lewis, Jonathan Sayer et Henry Shields, mise en scène Gwen Aduh, Théâtre Tristan Bernard

Molière du Comédien dans un spectacle de Théâtre privé

-Wladimir Yordanoff dans « Qui a peur de Virginia Woolf ? » de Edward Albee, mise en scène Alain Françon

Molière de la Comédienne dans un spectacle de Théâtre privé

-Catherine Frot dans « Fleur de Cactus »

Molière du comédien dans un spectacle du Théâtre public

-Charles Berling dans vu du Pont d’Arthur Miller, mise en scène Ivo Hove.

Molière de la comédienne dans un spectacle de Théâtre public

-Dominique Blanc dans « Les Liansons Dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos, mise en scène Christine Letailleur

Molière du Comédien dans un second rôle

-Didier Brice dans « A tort et à raison »

Molière de la Comédienne dans un second rôle

-Anne Bouvier dans « Le Roi Lear » de Shakespeare, mise en scène Jean-Luc Revol

Molière de la Révélation féminine

-Géraldine Martineau dans « Le poisson Belge »

Molière de la Révélation masculine

-Alexis Moncorgé dans Amok de Stefan Zweig, mise en scène Caroline Darnay

Molière de l’auteur francophone vivant

-Joël Pommerat pour Ça ira (1) fin de Louis

Molière du Metteur en scène d’un spectacle de Théâtre public

-Joël Pommerat pour Ça ira (1) fin de Louis

Molière du Metteur en scène d’un spectacle de Théâtre privé

-Alain Françon pour « Qui a peur de Virginia Woolf ? »

Molière de la Création visuelle

– 20 000 lieues sous les mers, d’après Jules Vernes, mise en scène Christian Hecq et Valérie Lesort, Théâtre du Vieux Colombier

Molière du spectacle musical

– Les Fiancés de Loches, de Georges Feydeau et Maurice Desvallières, mise en scène Hervé Devolder, Théâtre du Palais-Royal.

Molière de l’humour

-Alex Lutz, d’Alex Lutz et Tom Dingler, mise en scène de Tom Dingler

Molière du jeune public

– Pinocchio, de et mise en scène Joël Pommerat, Théâtre de l’Odéon.

Molière seul/e en scène

– Les Chatouilles (ou la danse de la colère),d’Andrea Bescond, mise en scène Eric Métayer, Théâtre du Petit Montparnasse.

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